samedi 9 avril 2022

Here and now de Joseph HARB



Un pied dehors, un œil dedans.

Que tu pars, tu reviens, plus tuméfié qu’auparavant.

Ceci n’est pas une exposition, ceci est une scène d’automutilation. Un arrachement de décennies, pressées dans des bocaux, enserrés dans une salle, elle-même coincée entre ces mémoires au goût de fin de monde. Mémoires en lame de rasoir. Sans langues pour dire, ni bras pour faire dire.

Je flaire cette rupture. Je sens cet effrayant camarade de chambre dans un noir absolu. Ruminant sa joie morbide. Complaisant avec la douleur, tel une pucelle à l’œil rouge et lointain.

La terre, chaude. Le plâtre, froid. Je t’emmerde Joseph HARB et te déteste, pour avoir réussi à sortir tout ce mal d’être, d’une existence tracée sur un bout de lame chauffée à blanc.

Je n’irai pas dans les détails. Verre, résine, plâtre et terre. Et monstres-humains à la porte de la mémoire.

La bombe est dedans. Dans tous les dedans. Dans ce lieu côtoyant la mer et ce cœur au bord de son ravin.

Une seule envie me prend. Casser toute cette douleur et briser tout ce qui a été déformé. Déformé, magistralement.

Joseph, la prochaine fois, dessine-moi un mouton, car, tu as remplacé l’humidité de l’air par la moiteur de la réminiscence. Assassin.

bourgély

lundi 20 juillet 2020

Chuchotements (Halim Jurdak)


Halim. Sommes-nous en train de fermer le livre ? Que reste-t-il dans tes poches de l’artiste ? Peut-être quelques mots. Et l’un des plus beaux : la qualité.
Ton leitmotiv retentit toujours dans les oreilles des initiés. Les amoureux du non sens pratique. Les sculpteurs des cieux, graveurs des rêves et créateurs des dieux. Tes étudiants d’antan.
Halim. Tu es parti sans vacarme, calme comme tu l'as toujours été. Tes mots discrets et presque inaudibles t'ont emporté dans ce silence que tu pratiquais si bien. Le chuchotement t’a enveloppé par la grâce de la qualité.
Cette qualité qui ne quittera jamais les sentiers frayés par tes nuages.
Va dans le vent sans le verbe et évapore-toi dans l'émerveillement de l’art.

jeudi 25 janvier 2018

La libération vers l’abysse

Le design nous a laissé le côté dramatique de l’art. Et tant mieux, Il aura laissé à l’art la faveur d’être prisonnier de son incompréhension. Et de voir dans ses ruines, la flamme de ses résurrections incessantes.
Pour survivre à ses suicides successifs, l’art n’a pas besoin d’artistes, il a toujours eu recours à des kamikazes qui trouvent dans la destruction, l’espoir de survie. Et dans l’avenir, les images d’une mémoire repensée.
Joseph Harb est l’un de ces kamikazes. 
Perché sur un drame, il explore une joie. Son homme égaré se retrouve multiple de lui-même. Se balade dans une peau autre, emprunte les endroits glauques de l’indécision.  Et raconte…
Peinture maltraitée, chargée de visions apocalyptiques. Espaces qui laissent transparaître des vides à écrire. Et des prisons à explorer.
Des personnages de métal et de résine, couverts d’une couche fragile de peau, parfois, bleue.
La peinture est partout. Célébrée pour ce qu’elle est. Une révélation de formes et de mélanges à expression fauve. L’animal se manifeste dans les pâtes qui se succèdent et se meurtrissent. Elles nous saisissent et nous rappellent que l’art est aussi et peut-être l’a toujours été, une pâte à mille visages. Et à mille matières. Une pâte qui peut se dresser debout.
Une vengeance de l’indifférence. Une cause grave. Très grave… Le jeu est meurtri. Les scènes racontent et se racontent… Et perdent leurs échos dans l’abysse de la libération.


Bourgély, 24/01/2018

samedi 9 juillet 2016

Nassib Lahoud.


Nassib Lahoud.
Je ne sais pas pourquoi, je me suis soudain rappelé de toi. Peut-être parce que je n'attends plus, même une petite victoire de cette soi-disant République.
Parce que je ne fais que compter nos défaites face aux professionnels de la politique et de la religion. Ceux qui se sont appropriés notre présent après avoir détruit notre passé et qui tiennent en otage notre avenir.
Ceux qui nous ont fait bouffer la poubelle pendant presqu’un an. Qui ont usurpé tout ce qui était domaine public, de la mer jusqu’à la montagne. Des décharges jusqu’aux carrières. Ils ont rogné les collines et déversé leurs vomis dans la mer… … …
Peut-être aussi, parce que j’ai entendu un enregistrement de Michel Rocard quelques semaines avant sa mort qui disait que « le sens de la vie est le respect qu’on lui porte. » Et que je n’ai plus de respect pour la vie de ceux qui nous gouvernent ni de ceux qui nous indiquent la direction du ciel.
نسيب لحود.
لا أعرف لماذا فجأة تذكرتك. ربما لأنني لم أعد أتوقع حتى انتصارا صغيراً لما يسمّى جمهورية. لأنني لم أعد أعرف الّا عدّ الهزائم بمواجهة محترفي السياسة والدين. أولئك الذين استولوا على حاضرنا بعد أن دمّروا ماضينا وارتهنوا مستقبلنا. أولئك الذين أطعمونا القمامة لحوالي السنة. واستولوا على املاكنا العامّة، من البحر إلى الجبل. من مكبّات النفايات حتى المقالع والكسّارات، نهشوا جبالنا وتقيّؤوا في بحرنا... ... ...
ربما أيضا، لأنني سمعت تسجيلاً لميشيل روكار بضعة أسابيع قبل وفاته، حيث قال أن "معنى الحياة هو الاحترام الذي نكنّه لهذه الحياة".
ربما لأنه لم يعد عندي أي احترام لحياة أولئك الذين يحكموننا وأولئك الذين يدلّوننا أين توجد السماء.

samedi 27 février 2016

Tout est question de traces (Apple key and Equation, 2012)

Le dévoilement de la mémoire peut être une thérapie par le souvenir. C’est une sorte de distraction par l’art afin d’oublier la « question », la vraie et apaiser la véritable angoisse. Dans toutes ses formes, l’art est une échappatoire au tragique par le tragique. 
L’artiste qui cherche à « dire » se perd dans ses dires. Et l’image ne dira que si elle est extirpée de qulelque coin de la mémoire. On a beau réfléchir, l’image ne revient pas. C’est sa trace qui répond. Le sillon qu’elle a creusé renvoie sa cicatrice. Mais, les cicatrices réveillent toujours les blessures. On se croit guéri, mais la démangeaison est là, persistante.
Alors, je monte les symboles et les symboles montent l’œuvre. Je suis dedans. Déçu de l’art auquel je voulais soutirer des réponses. Déçu de la peinture comme acte d’existence. 
Je descends par étape. De déception en déception. Le salut que j’ai longtemps cherché a disparu et je n’ai que la surface angoissante du vide comme seule image.
Je rassemble des mémoires instantanées desquelles je fais resurgir d’autres plus anciennes. Je confronte les événements. J’invente des traces. Je colle des draps. Du papier, des cartes, du bois et du tissu. De la paille et des cailloux. Du sable et de la terre. Du « tout ».
J’assemble ou cumule, comme on cumule des instants, a priori dispersés.
J’assemble les cicatrices du quotidien. Le mien et celui des autres. Et les banalités du hasard deviennent une réalité de rencontre.
Mon œuvre est une banale affaire d’existence quand le dernier souvenir devient le premier.
La question que je pose se résume en une interrogation sur la mémoire : « Est-elle soluble dans l’instant présent ? Ou bien est-elle en opposition permanente avec d’autres mémoires parallèles ? Ce qui est le cas de beaucoup d’entre nous qui ne se sentent pas d’appartenance. Chacun de nous est un humain-type mais avec une ou plusieurs mémoires spécifiques. Les symboles sont aussi personnels que la fin d’un rêve matinal.
La matière se cherche ou se trouve, mais elle est toujours puisée dans le quotidien. Là, tout juste maintenant, je suis.